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Discours ascétiques - Commentaire d'Abba Isaïe Archimandrite Aimilianos

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DU STATUT DES DÉBUTANTS ET DE CEUX QUI VIVENT EN CELLULE

Abba Isaïe est toute simplicité et joie au cours de ses entretiens avec ses disciples. Son esprit fait écho à l'esprit des moines des premiers siècles. Il s'agit d'hommes qui ne vivaient pas entièrement seuls, mais avec quelques autres. C'était peut-être un mode merveilleux de vie monastique. Qui sait?

Le présent discours s'adresse à ceux qui entrent au monastère et qui doivent, de ce fait, connaître comment y vivent les débutants.

Avant tout nous avons besoin d'humilité; nous devons toujours être prêts à dire «bénis» à toute parole que nous entendons ou en toute action, car l'humilité ruine tout ce qui vient de l'adversaire.

L'humilité réside dans l'acceptation des paroles et des actes du prochain. Nous ne disons jamais «non», mais « bénis» qui signifie «oui». Tous les pièges que Satan nous tend, sont désamorcés à l'instant même où nous ne refusons pas de faire ce que notre frère nous demande. Ce que disent et ce que font les autres est parfait pour nous.

L'humilité révèle notre manière de penser; elle montre que nous ne tenons aucun compte de notre moi : nous ne sommes rien. Et ceci nous amène naturellement à ne pas prêter attention à ce que l'autre dira ou pensera de nous. Au contraire, nous accueillons toujours sa parole de manière positive.

Si toutes les embûches du diable sont neutralisées quand nous vivons et agissons de cette manière, vous comprenez qu'une attitude différente de notre part est un appât pour les pièges du démon. Toute conversation portant sur ce qu'a fait l'autre ou sur ce qu'il a dit, est une invitation adressée au Malin pour qu'il nous expose à la tentation. Quiconque, au cours d'une discussion, n'est pas d'accord avec son interlocuteur et qui, malgré tout, continue à parlementer, prépare une guerre contre lui-même; il n'y a aucune exception à cela. Bien sûr, le Malin et la mauvaise disposition de l'homme trouveront toujours un motif et des raisons pour contredire ou réfuter, et continuer la polémique au nom de Jésus Christ.

Tout cela cependant n'est rien d'autre qu'un enchevêtrement des pièges du diable, qui cherche à nous faire tomber dans ses filets.

Ne t'estime toi-même en aucune de tes œuvres, afin d'être sans trouble dans tes pensées.

Ne vous attardez pas à juger vos propres actes: s'ils sont bons ou mauvais, s'ils relèvent de la vertu ou du péché, ni à vous comparer aux autres. Si nous examinons nos actions, nous découvrons que nous avons fait quelque chose d'important ou quelque chose de mal, de très grand, de plus beau et mieux réussi que ce qu'a réalisé notre frère. Que ce soit par rapport à nous-mêmes ou par rapport aux autres, nous tomberons dans l'un des deux pièges suivants : l'orgueil ou le découragement. Car même si nous pensons être parvenus à l'âge mûr, si nous pensons être forts, nous portons encore en nous la faiblesse d'Adam et Ève, l'ego fragile hérité de nos premiers parents. Donc, pour que nos pensées ne nous troublent pas, ne passons pas notre temps à examiner nos actes. Et ceci est valable pour tout ce qui nous arrive.

Que vais-je confesser, si je ne rentre pas en moi-même? Au cours de la confession, nous ne faisons pas l'analyse de nos actions, nous rendons seulement compte de nos péchés. C'est différent. Au cours de la confession, nous ne faisons pas une évaluation de nos actes ni ne les justifions, simplement nous les mentionnons en nous reconnaissant pécheurs. Nous ne passons pas notre temps, avant la confession, à réfléchir sur ce que nous avons fait ou n'avons pas fait, car en procédant ainsi notre âme en arrive à suffoquer. Et si nous constatons que notre comportement s'est amélioré, vous saisissez à quel degré d'égoïsme nous sommes parvenus.

Ne t'estime toi-même en aucune de tes œuvres - quelle sagesse! - car c'est la raison pour laquelle la plupart d'entre nous tombe. Nous tombons également parce que nous sommes portés à justifier nos passions. J'ai - supposons - péché et je me dis : «Pour quelle raison me repentir? Que m'apportera le repentir? » Quel avilissement de notre être!

Bien que le débutant s'en aille au désert pour vivre avec Dieu seul, vous voyez comment Abba Isaïe lui montre, dès le début, qu'il aura à faire à des personnes. Même l'homme du désert ne peut être coupé de la société. Ce discours se rapporte donc aux relations avec le prochain.

Aie le visage sombre, mais doux avec les étrangers, afin que la crainte de Dieu habite en toi.

Abba Isaïe explique de quelle façon nous devons nous comporter devant les hommes : de nouveau nous sommes placés face au prochain. Votre visage dit-il sera sombre. Toutefois, cet adjectif n'a pas ici le sens de renfrogné, mais celui de grave, sérieux. C'est le visage d'un homme qui exerce la vigilance (nèpsis) sur lui-même, d'un homme empreint de componction. Lorsque vous voyez quelqu'un rire à gorge déployée ou bien sourire de toutes ses dents, vous comprenez qu'il n'est pas sérieux, vous saisissez qu'il ne prie ni ne connaît ce qu'est la componction.

Mais doux avec les étrangers. Lorsque des étrangers vous rendent visite ou quand vous vous rendez auprès de quelqu'un, que votre visage soit paisible, affable, qu'il reflète la douceur. Ne soyez pas un homme porté au rire, un homme qui se disperse. Conservez la dignité de la nature humaine, gardez la place royale qu'avait l'homme dans la création, et la souveraineté qu'il exerçait sur elle. C'est par la douceur que vous manifestez votre communion avec le prochain.

Afin que la crainte de Dieu habite en toi : qu'elle soit en permanence en vous. La crainte de Dieu ne peut vous habiter si vous riez pour un rien, si vous conversez sans cesse, si vous contredisez votre frère ou contestez ses paroles.

Si tu fais route avec des frères, écarte-toi un peu pour garder le silence, et en marchant ne regarde ni à droite ni à gauche, mais médite en ta pensée, ou bien prie Dieu dans ton cœur.

Lorsque vous cheminez avec des frères, ne restez pas côte à côte pour discuter tout au long de la route, car la crainte de Dieu sortira de votre cœur. Il est pratiquement impossible qu'une conversation reste dans le cadre du sérieux, si elle se prolonge au-delà de cinq ou dix minutes. Après ce laps de temps, elle glisse inévitablement vers la futilité sous le couvert de la spiritualité.

C'est pourquoi, après avoir parlé de ce qui est nécessaire, écarte-toi un peu : précédez votre frère de quelques pas ou suivez-le, selon son rang, d'environ une coudée comme dit saint Pachôme. Qui marchera devant ou derrière, à droite ou à gauche de l'autre, ceci est réglé par le savoir-vivre, lequel, s'il est requis des laïcs, combien plus doit-il être observé par les moines qui, en tant qu'hommes spirituels, ne peuvent négliger leur comportement social. En général, les hommes qui ignorent les règles du savoir-vivre, vivent sans aucune spiritualité; il ne peut y avoir de vie spirituelle, s'il n'y a pas équilibre des relations avec les autres.

Médite en ta pensée ou bien prie Dieu dans ton cœur.

Les moines avaient l'habitude de réciter en eux-mêmes les psaumes, qu'ils avaient appris par cœur, mais aussi différents versets de l'Écriture; ils préféraient cependant les psaumes.

D'aucuns se diront : « Comme c'est étrange ! Des jeunes gens choisissent le désert et, au lieu de leur parler de Dieu, de l'amour, du Saint-Esprit, Abba Isaïe aborde de simples sujets comme la marche, le savoir-vivre ...» Pourtant, ces choses, à première vue élémentaires, sont les conditions préalables à une vie spirituelle. Quiconque prétend que la vie spirituelle est au-dessus de ces éléments ou indépendante d'eux, ou que la politesse et la délicatesse des relations sociales sont étrangères aux moines, cherche sans aucun doute à cacher ses passions pour faire le mal sans en éprouver la moindre culpabilité.

Tends la main vers ce qu'on te présente comme quelqu'un qu'on oblige à manger. Si tu es le plus jeune, ne te permets pas de tendre la main pour mettre quelque chose dans la bouche d'un autre.

Quand vous vous rendez chez quelqu'un et qu'on vous invite à prendre un repas, ne vous mettez pas à manger tout de suite, attendez un peu, de sorte que ce soit votre hôte qui vous prie de manger; ne montrez pas que vous avez faim. Comprenez-vous quelle doit être la délicatesse de l'homme? Combien plus si vous avez faim, ne devez-vous pas commencer immédiatement, de façon à vaincre celle-ci. La faim n'est pas tant naturelle que psychologique, alors ne découvrez pas la nudité de votre âme. Lorsque le maître de maison insiste, étendez la main uniquement vers ce qu'il a placé devant vous.

Si tu es le plus jeune, ne te permets pas de tendre la main pour mettre quelque chose dans la bouche d'un autre, ce que nous pouvons interpréter de la façon suivante : ne vous permettez pas de présenter de vous-même un plat au frère qui est à vos côtés, tandis que votre hôte est présent ; une telle audace est déplacée. De plus, vous révéleriez une familiarité qui ne manquera pas de choquer. Vous êtes une image de Dieu, cette façon d'agir vous discrédite. L'ouvrier du Seigneur doit être irréprochable.

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